Les soins aux personnes non vaccinées contre la COVID-19
Depuis plusieurs mois, des soignants, des commentateurs et des citoyens réclament qu'on limite les soins pour la COVID-19 pour les personnes non vaccinées.
Depuis plusieurs mois, des soignants, des commentateurs et des citoyens réclament qu'on limite les soins pour la COVID-19 pour les personnes non vaccinées.
Depuis plusieurs mois, des soignants, des commentateurs et des citoyens réclament qu'on limite les soins pour la COVID-19 pour les personnes non vaccinées (PNV). Cela peut prendre différentes formes : refuser les soins, faire payer pour ces soins, déprioriser aux soins intensifs, etc. Plus récemment, le gouvernement a proposé de leur imposer une « contribution financière ». Bien que plusieurs éléments de réflexion présentés plus bas s’appliquent aussi à cette dernière mesure, le présent billet ne porte pas directement sur celle-ci.
On peut comprendre qu’après plus de deux ans de pandémie, des soignants et des citoyens soient irrités, voire en colère contre les PNV qui occupent une place disproportionnée dans les hôpitaux. Les défenseurs de la limitation d’accès des PNV rappellent avec raison que la vaccination est un moyen efficace de réduire les risques d’hospitalisation. Cela contribue, dans un contexte de rareté des ressources, à réduire la surcharge des établissements, l’épuisement des soignants, le délestage d’autres soins comme les chirurgies et les probabilités de devoir recourir à un protocole de priorisation. Cependant, l’idée de priver de soins ou de facturer ces soins à ces personnes soulève des questionnements éthiques importants.
Un des arguments avancés pour soutenir la limitation des soins réfère aux valeurs de mérite et de réciprocité associées à une certaine conception de la justice. Selon cet argument, les personnes qui se sont fait vacciner ont fait leur contribution pour réduire l’impact de la COVID-19 sur le système de soins et le bon fonctionnement de la société. Elles devraient donc être avantagées dans l’accès aux soins par rapport à celles qui ont choisi de ne pas se faire vacciner alors qu’elles pouvaient médicalement le faire.
Or, les PNV sont loin d’être un groupe homogène [voir 1, 2, 3]. Parmi elles, on compte des personnes qui, pour des raisons compréhensibles, n’ont pas confiance dans les autorités gouvernementales ou médicales (pensons à des groupes marginalisés et certaines communautés culturelles); des personnes victimes de désinformation; des personnes ayant des problèmes de santé physiques -qui craignent que la vaccination n’aggrave leur condition- ou mentaux (notons que seulement deux contre-indications médicales d’exemption sont reconnues par les autorités au Québec); des jeunes qui évaluent qu’ils ont peu de risques d’être hospitalisés pour la COVID-19, des personnes sans-abris ou en situation de très grande précarité financière; des personnes craignant les risques associés à un nouveau produit pharmaceutique et qui pensent servir de cobaye; des personnes marginalisées qui ne se sentent pas acceptées comme membres à part de la société; des personnes très isolées qui ont peu de soutien et de contacts avec la communauté ou qui n’ont pas accès à Internet, etc. Notons aussi que plusieurs PNV sont très précautionneuses quant aux autres mesures de protection contre la COVID-19. Les « antivax » radicaux et militant ont beaucoup de visibilité, mais ne représenteraient qu’une minorité. Peut-on dire que toutes ces personnes méritent de voir leur accès aux soins limité?
Qu’en est-il des moins de 14 ans qui ne peuvent choisir pour eux-mêmes et des jeunes de 14 à 17 ans qui peuvent choisir de se faire vacciner, mais qui sont tout de même des mineurs?
La limitation de l’accès aux soins des PNV pose aussi des problèmes d’application. Les différents motifs des PNV sont-ils tous illégitimes? Qui déciderait de la légitimité des différents motifs? Selon quels critères?
Un autre argument en faveur de la limitation de l’accès aux soins est que la menace d’être privé de soins pourrait inciter certaines PNV à se faire vacciner. Si l’objectif est d’augmenter le taux de vaccination et non de punir ou de canaliser la grogne populaire, les approches qui ciblent les facteurs associés à la non-vaccination (cités plus haut) sont plus efficaces (utilité) et respectueuses de l’autonomie que les approches coercitives. On pense notamment aux approches de proximité comme la vaccination mobile à domicile (qui devrait être étendue) ou celle développée par CoVivre qui tient compte des facteurs culturels. De plus, les approches coercitives ont tendance à stigmatiser les PNV (non-malfaisance), à polariser les positions et à radicaliser davantage certains réfractaires.
Du côté des arguments contre, il y a notamment des éléments de déontologie. En effet, les soignants (médecins, infirmières, etc.) ont le devoir de porter assistance aux personnes qui en ont besoin. Par exemple, selon l’article 23 du Code de déontologie des médecins du Québec, « Le médecin ne peut refuser d'examiner ou de traiter un patient pour des raisons reliées à la nature d’une déficience ou d’une maladie ou au contexte dans lequel cette déficience ou cette maladie présentée par ce patient est apparue (…) » (nous soulignons).
De plus, comme nous l’avons souligné plus haut, le choix de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 est souvent associé à des facteurs socio-économiques et culturels. Or, ces facteurs ont déjà de manière générale une influence sur l’état de santé des personnes (déterminants sociaux de la santé). Par conséquent, la limitation de l’accès aux soins des PNV risque de reproduire et d’accroitre les inégalités de santé liées à ces mêmes facteurs. Certaines personnes verraient donc leur état de santé déjà précaire se dégrader davantage.
Notre système de santé repose sur la mutualisation des risques, c’est-à-dire que l’accès aux soins est universel et fondé sur le besoin, non sur les facteurs de risque de chacun. Moduler l’accès aux soins en fonction de profils de risque individuels menacerait ce principe d’universalité. Il s’agit plus d’une logique actuarielle propre aux assurances privées que d’une assurance publique fondée sur la solidarité. Est-ce vraiment le modèle de soins de santé que l’on souhaite instaurer?
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