Le 26 mai dernier, la Société internationale pour la recherche sur les cellules souches (ISSCR), une autorité en la matière, a annoncé qu’elle révisait ses lignes directrices. Cette révision remet en question une norme de longue date, respectée par la plupart des pays, qui limitait la recherche sur des embryons humains à 14 jours après la fécondation. Les nouvelles directives ne proposent pas de durée précise, mais appellent plutôt les différentes juridictions à ouvrir un débat sur la levée de la limite de 14 jours.
Différentes raisons ont été avancées pour justifier la limite de 14 jours. D’abord, cette limite correspond au stade associé à l’achèvement de l’implantation de l’embryon (l’œuf fécondé s’attache à la paroi de l’utérus). C’est aussi à ce moment que l’embryon ne peut plus former de jumeau et s’individualise. De plus, après 14 jours, commencent à se mettre en place les tissus fondamentaux, dont l’ectoderme qui deviendra ultérieurement le système nerveux central (moelle épinière et cerveau).
Le principal argument en faveur de l’extension de la limite de 14 jours repose sur les retombées de la recherche en termes de connaissances et de bénéfices thérapeutiques (bienfaisance). Dans le cas qui nous occupe, les connaissances potentiellement produites touchent les problèmes de développement embryonnaire, les maladies génétiques, les fausses couches, etc. Ces connaissances pourraient déboucher sur des tests diagnostiques puis sur des traitements de l’infertilité et des embryopathies. De telles recherches permettraient aussi de comparer les embryons humains avec les modèles d’embryons artificiels et ainsi de vérifier si ces derniers pourraient remplacer les premiers dans la recherche sur les embryons.
Les opposants aux modifications réglementaires renvoient au statut moral des embryons au-delà de 14 jours et à ce que cela implique en termes de non-malfaisance et de protection de la vie humaine. Avoir un statut moral, c'est posséder une valeur qui compte moralement et qui entraine des devoirs moraux envers soi (ex. être une chose versus être une personne potentielle ou une personne à part entière).
Il existe différentes positions sur le statut moral des embryons et sur leur création, leur utilisation et leur destruction en recherche. Nous présentons ces positions de la plus restrictive à la plus permissive :
Les nouvelles directives de l’ISSCR ne constituent pas du droit positif, mais elles entrent en conflit avec les législations en vigueur dans de nombreux pays. Si certaines juridictions veulent adapter leur législation aux nouvelles directives, il faudra que le processus soit précédé d’une délibération citoyenne, que les propositions soient mises à l’examen démocratique et passent le test de l’acceptabilité sociale. Les tensions entre le progrès scientifique et les bénéfices cliniques d’une part, et les sensibilités quant au statut moral des embryons humains d’autre part, doivent être abordées et arbitrées collectivement.
[1] Nul ne peut, sciemment (…) conserver un embryon en dehors du corps d’une personne de sexe féminin après le quatorzième jour de développement suivant la fécondation ou la création, compte non tenu de toute période au cours de laquelle son développement est suspendu (Loi sur la procréation assistée, 5 (1) d)); « La recherche avec des embryons ne sera menée que pendant les 14 jours suivant leur création par combinaison de gamètes, compte non tenu de toute période au cours de laquelle leur développement est suspendu » (Énoncé politique des trois conseils, Article 12.8 (d)).