De telles avancées pourraient un jour rendre possible la correction de mutations responsables de maladies chez l’humain (ex. maladie de Huntington). Appliquées aux cellules reproductrices et aux embryons précoces, elles pourraient permettre à des personnes porteuses de mutations causant des maladies de donner naissance à des enfants non atteints.
Bébés à la carte et augmentation des capacités
Certains observateurs craignent que le fait de permettre la modification génétique pour des raisons médicales ne nous engage sur une pente glissante vers des usages plus controversés. La modification génétique pourrait être éventuellement employée afin de permettre aux parents de choisir toutes sortes de caractéristiques pour leur futur enfant (bébés à la carte). Il pourrait s’agir de traits physiques ou psychologiques (traits de personnalité, couleur des yeux, sexe, capacité cognitive, force physique, etc.) prisés pour des raisons esthétiques ou de performance. Certains espèrent même pouvoir augmenter les capacités de l’enfant au-delà de ce qui est nécessaire pour être en santé, voire au-delà des limites actuelles du corps humain.
En effet, l’expérience en pharmacologie et en chirurgie plastique témoigne de tendances nettes en faveur de l’atteinte de normes esthétiques culturelles et de l’augmentation de la performance physique et intellectuelle (ex. augmentation mammaire; blanchiment de la peau; dopage sportif; usage non médical de médicaments tels que Ritalin, Adderall ou Modafinil).
Augmentation des capacités et accroissement des inégalités
Les technologies de modification génétiques à des fins d’augmentation risquent fort de n’être accessibles qu’aux parents les mieux nantis. Ainsi, les avantages génétiques conférés à des enfants déjà privilégiés contribueront à l’accroissement des inégalités existantes.
À plus long terme, on peut imaginer, à l’instar d’Andrew Niccol dans son film Gattaca, l’émergence d’une nouvelle hiérarchisation sociale fondée sur le bagage génétique des citoyens : d’une part, une élite génétique jugée supérieure et ayant accès à des emplois et des fonctions privilégiés et, d’autre part, les individus conçus naturellement, confinés aux tâches subalternes.
Certains auteurs font valoir que si ces technologies sont un jour sécuritaires et efficaces, l’autonomie des parents implique qu’on leur laisse un maximum de latitude dans le choix des caractéristiques génétiques pour leurs enfants. Certains vont même jusqu’à dire que le recours aux technologies à des fins d’augmentation serait une responsabilité morale des parents envers leurs futurs enfants. Ce serait une façon additionnelle de leur donner les meilleures chances dans la vie.
À l’opposé, des éthiciens croient que la création de bébés sur mesure et l’augmentation des capacités soulèvent des questions éthiques et sociales fondamentales qui devraient être discutées dans l’espace public.
Par exemple, le fait de réserver un ensemble de privilèges -programmes d’éducation, emplois, fonctions prestigieuses- à une « caste » génétique jugée supérieure réduirait gravement les opportunités d’ascension sociale pour les autres. Une telle situation contreviendrait à une conception de la justice fondée sur l’égalité des chances. On reviendrait alors à une société où le statut social est déterminé à la naissance.
Certains répliqueront avec raison qu’il existe déjà de nombreux obstacles à l’ascension sociale pour les personnes nées en bas de l’échelle. Cependant, la modification génétique avantageuse des individus déjà favorisés socioéconomiquement renforcera ces inégalités.
Une façon de contourner ce problème pourrait être de rendre ces technologies accessibles à tous. Est-ce réaliste quand on sait que l’État peine déjà à financer les applications médicales des technologies? Il est beaucoup plus plausible que les bénéfices des technologies de modification génétique à des fins d’augmentation seront distribués en fonction de la capacité de payer des individus.
Autres lectures
Sherman E. (2017). Genetic engineering will make income inequality much worse. Forbes, 20 août.
Pizzigati S. (2019). Can inequality be hardwired into our DNA? Inequality.org, 3 août.
Isaacson W. (2019). Should the rich be allowed to buy the best genes? Air Mail, 27 juillet.