Commission de l'éthique en science et en technologie

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Cette semaine, nous avons appris que la ministre fédérale de la santé avait communiqué avec le gouvernement québécois afin de réclamer le financement public de tous les examens médicaux, incluant ceux effectués dans les cliniques privées.

Dans la lettre envoyée à l’ancien ministre Barrette en août dernier, la ministre Taylor demande au gouvernement québécois de mettre fin à la pratique qui consiste à permettre aux patients qui en ont les moyens de payer de leur poche afin d’avoir accès à des examens médicaux dans des cliniques privées. Actuellement, lorsqu’un médecin prescrit des examens médicaux à des patients, ceux-ci peuvent les passer gratuitement dans le système public, ou encore, peuvent aller, à leur frais, les passer dans une clinique privée. Les patients qui se tournent vers le privé peuvent ainsi avoir les résultats plus rapidement que ceux qui les passent à l’hôpital. Ils peuvent ensuite revenir à l’hôpital avec les résultats et se retrouver à passer devant les autres. Le gouvernement fédéral estime que cette pratique contrevient à la Loi canadienne sur la santé. Il menace de retrancher les montants payés par les patients des transferts fédéraux si la province ne se conforme pas à ces exigences d’ici deux ans.

La Loi canadienne énonce un ensemble de conditions que les provinces doivent remplir si elles veulent recevoir des transferts fédéraux en santé. La loi cherche notamment à s’assurer que tous les Canadiens aient accès aux soins de santé médicalement nécessaires. En vertu de la condition « d’intégralité » décrite dans la loi, les services médicaux médicalement nécessaires doivent être couverts par les régimes publics d’assurance-maladie provinciaux. Ceci inclut les services diagnostics et, pour cette raison, le gouvernement fédéral exige la couverture publique des examens médicaux.

Par ailleurs, en vertu de la condition « d’accessibilité », les prestataires de soins (public ou privé) qui sont financés par les régimes d’assurance-maladie publics ne peuvent facturer des frais additionnels aux patients. En effet, la loi stipule que « la condition d’accessibilité suppose que le régime provincial d’assurance-santé […] offre les services de santé assurés selon des modalités uniformes et ne fasse pas obstacle, directement ou indirectement, et notamment par facturation aux assurés, à un accès satisfaisant par eux à ces services ». Par conséquent, selon l’esprit de la Loi canadienne, l’accès doit être fonction des besoins de santé et non en fonction de la capacité de payer.

Cependant, la Loi n’interdit pas l’existence de cliniques entièrement privées (prestation privée et financement privé). Il s’agit d’établissements et de professionnels qui sont hors des régimes publics. La condition « d’accessibilité » énoncée dans la loi ne s’applique pas à ces cliniques. Par conséquent, ils peuvent facturer des frais aux patients afin de fournir des services plus rapides qu’au public. Ce trou dans la législation entre en contradiction avec les conditions d’intégralité et d’accessibilité de la loi et créé un système de santé à deux vitesses.

De plus, la focalisation de la ministre sur les examens médicaux serait contradictoire puisque d’autres services médicalement nécessaires sont fournis par les cliniques privées et payés par les patients sans que le gouvernement fédéral ne s’en inquiète. Par exemple, le gouvernement fédéral semble tolérer le fait que des patients paient de leur poche pour des consultations médicales dispensées par des cliniques privées.

Une certaine conception égalitarienne de la justice est au fondement du système de santé canadien et de la Loi canadienne sur la santé. Elle plaide en faveur d’une égalité d’accès aux soins en fonction d’un critère impartial : le besoin en termes de santé. Cette conception repose, notamment, sur la solidarité sociale et sur l’égalité des chances.

La solidarité est l’expression d’une sensibilité de la collectivité face aux difficultés de certains de ses membres et d’une volonté de leur porter assistance. L’égalité des chances requiert qu’on mette en place des mesures visant à corriger les limitations personnelles résultant de conditions naturelles ou sociales défavorables. Certaines maladies et handicaps peuvent réduire significativement l’éventail des possibilités offertes à une personne. À cet égard, les soins de santé contribuent à l’égalisation des chances entre les citoyens.

Selon certains, le développement d’un système parallèle reposant sur un financement privé nuit à l’accès des patients aux soins (notamment en accaparant les ressources humaines). Pour d’autres, au contraire, elle favorise l’accès en libérant des places dans le secteur public et en profitant d’un apport d’argent neuf dans le secteur de la santé. Quoiqu’il en soit, en permettant à des patients d’être priorisés en raison de leur capacité de payer, le système actuel à deux vitesses nuit au caractère égalitaire de cet accès.

L’intervention du gouvernement fédéral sur la question du financement public des examens médicaux (et auparavant sur la question des frais accessoires) est cohérente avec l’idéal égalitaire à l’origine du système de santé public. Cependant, cette cohérence est limitée dans la mesure où ce même gouvernement ferme les yeux devant le financement privé d’autres soins médicalement nécessaires comme les consultations médicales.

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