Commission de l'éthique en science et en technologie

Déclarer la mort cérébrale : peut-on vraiment se tromper?

La population connaît mal les mécanismes et protocoles entourant le don d’organes et l’identification des donneurs potentiels, surtout lorsqu’il s’agit de mort cérébrale (appelée aussi « mort neurologique »). On craint par exemple que le diagnostic soit précipité pour recueillir les organes, ou encore, lorsqu’une personne semble un donneur potentiel, que tous les efforts ne soient pas faits par le personnel soignant pour la sauver.

18 mai 2018 Santé

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Une histoire telle que celle rapportée cette semaine par BBC News à propos de la « résurrection » d’un garçon de 13 ans chez qui on anticipait une mort cérébrale, sème le doute sur l’efficacité du diagnostic et jette de l’huile sur le feu de la crainte. L’enfant, grièvement blessé à la tête et ne montrant aucun signe d’activité cérébrale lors des premiers tests effectués, est revenu à la vie avant le diagnostic final. Les parents du garçon avaient consenti à ce que ses organes soient recueillis lorsqu’il serait débranché, mais des signes d’activités cérébrales ont évidemment mis un frein à la procédure. (Pour l’histoire complète du jeune garçon sans les sous-entendus de diagnostic trop rapide et de catastrophe évitée de justesse, lire l’article publié par Gènéthique.)

De quoi parle-t-on?

Avec l’arrivée de nouvelles technologies permettant le maintien de la vie, dont notamment le respirateur artificiel, et avec le perfectionnement des méthodes de transplantations d’organes dans les années soixante, le diagnostic de mort par cœur arrêté ne semblait plus adéquat : une machine permettait de maintenir un cœur battant, même si l’activité cérébrale était inexistante. Ces prouesses soulevaient un énorme enjeu éthique : si l’arrêt cardiovasculaire était la condition pour déclarer la mort, le fait de retirer des organes vitaux pour la transplantation sur une personne dont le cœur bat à l’aide d’une machine rendait-il l’équipe de préleveurs coupable d’homicide?

Une équipe biomédicale de Harvard s’est penchée sur la question il y a exactement 50 ans. Le rapport qu’ils ont publié en 1968 confirme que c’est le cerveau qui maintient la vie. C’est lui qui fait battre le cœur et qui permet la respiration et c’est donc la destruction irréversible du cerveau qui indique la mort. Le rapport établit également des lignes directrices précises pour déterminer l’état du cerveau et l’irréversibilité de l’atteinte. On parle notamment des 3 critères suivants :

  1. Non-réceptivité et non-réponse : Le patient ne montre aucune réponse aux stimulations externes et aux stimuli douloureux;
  2. Absence de mouvement ou de respiration : Le patient ne présente aucun mouvement musculaire ou respiratoire spontané ni réponse aux stimuli musculaires et respiratoires;
  3. Absence de réponses réflexes : Le patient a les pupilles fixes ou dilatées, aucune réponse réflexe aux stimuli douloureux (eau glacée dans l’oreille, mouvement du tube respiratoire, par exemple)

Les stimuli dont il est ici question sont, par exemple, des examens physiques qui détectent les réflexes du tronc cérébral comme le réflexe nauséeux, des réactions motrices et des réflexes dans les pupilles du patient quand elles sont exposées à la lumière. On peut également effectuer un test d’apnée qui consisterait à débrancher le patient du respirateur pour déterminer s’il peut respirer par lui-même. Un test de débit sanguin peut également être effectué pour savoir s’il y a ou non circulation sanguine dans le cerveau.

Ces directives ont été adoptées dans plusieurs pays, dont le Canada. En 1999 et en 2003, le Canada a raffiné les critères déterminant la mort cérébrale, de manière à établir un diagnostic encore plus précis. Une récente entrevue que donnait Mme Jeanne Teitelbaum, professeure agrégée au Département de neurologie et de neurochirurgie de l’Université McGill à l’émission Les années lumières de Radio Canada, expliquait avec beaucoup d’éloquence et de clarté les critères de mort cérébrale et les tests effectués pour la confirmer.

Donc, est-ce qu’on doit craindre la collecte d’organes alors qu’on est encore vivant?

La réponse : NON. Haut et fort. Parce que non seulement les critères adoptés par le Canada et au Québec, par Transplant Québec, sont clairs, mais également parce que les balises et procédures entourant le diagnostic sont faites de manière à ce qu’il n’y ait pas l’ombre d’un doute possible quant à l’exactitude de la déclaration de décès neurologique et quant à l’impartialité des médecins traitants.

D’une part, cette procédure implique que deux examens cliniques soient faits par deux médecins différents à deux temps différents. Les deux examens cliniques doivent aboutir au même résultat de mort cérébrale pour que celle-ci soit prononcée officiellement.

Lorsqu’en présence d’un facteur confondant (facteurs tels que l’hypothermie, ou un traumatisme facial important) qui pourrait avoir une incidence sur les résultats, des tests auxiliaires sont effectués pour confirmer ou infirmer l’état du patient. Si un doute subsiste ou qu’une anomalie dans les réponses du patient est repérée, la mort cérébrale n’est pas prononcée.

D’autre part, les examens cliniques sont faits par des médecins qui sont indépendants de l’équipe de prélèvement et de l’équipe de transplantation. La séparation étanche des rôles, avec d’un côté les équipes soignantes et de l’autre, les équipes du don –prélèvement et greffe– assure ainsi qu’il n’y a aucune possibilité d’influence sur le diagnostic.

Le don en chiffres

Pour l’année 2017, 182 personnes ont donné leurs organes et 510 personnes ont été transplantées. Au 31 décembre, 786 personnes étaient en attente d’un organe au Québec.

Si vous souhaitez faire don de vos organes après votre mort, assurez-vous de signer votre carte, mais aussi d’en parler à vos proches. C’est à eux que reviendra la responsabilité de parler en votre nom pour faire connaître ou confirmer votre intention.

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