Depuis 2016 au Québec, on entend parler de revenu minimum garanti (RMG, aussi appelé «revenu de base», «allocation universelle» ou «revenu de citoyenneté»). Le mandat aurait été donné au ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, d’étudier la possibilité d’instaurer un RMG au Québec. On entend par RMG un montant d’argent qui est remis sans condition par la société à chaque citoyen majeur, du simple fait qu’il est citoyen de cette société.
M. Blais est d’ailleurs un spécialiste de la question. Il a réalisé plusieurs travaux lorsqu’il était professeur de sciences politiques à l’Université Laval. Fait intéressant, il a réalisé une étude sur le sujet avec son collègue de l’époque, Jean-Yves Duclos, alors professeur en économie et maintenant… ministre fédéral de la Famille, des Enfants et du Développement social.
Un RMG peut prendre différentes formes, être plus ou moins élevé, dépendamment de l’objectif poursuivi. Généralement, on parle du RMG en lien avec trois grands objectifs :
Ces objectifs mettent en jeu différentes valeurs, comme l’égalité, la dignité humaine, la solidarité ainsi que l’efficacité et l’efficience de l’action gouvernementale, la rigueur financière, etc.
Mais quel est le rapport avec la science et la technologie, nous direz-vous? C’est qu’un des arguments en faveur du RMG repose sur les avancées technologiques fulgurantes des dernières années. Cet argument n’est pas vraiment discuté actuellement dans les cercles politiques. Il commence néanmoins à attirer l’attention dans le domaine de l’éthique et même chez certains «géants» technologiques aux États-Unis.
Vous avez probablement entendu parler du logiciel d’intelligence artificielle qui a réussi à vaincre un des meilleurs joueurs au monde au jeu de go, un jeu de stratégie chinois encore plus complexe que les échecs. Après DeepBlue d’IBM, qui a vaincu le champion Garry Kasparov aux échecs en 1997 et Watson, toujours d’IBM, qui a gagné en 2011 contre l’humain au jeu télévisé américain Jeopardy, c’était maintenant le tour d’AlphaGo de la compagnie DeepMind, de Google, de s’imposer face à l’intelligence humaine.
Ces événements nous rappellent tout le chemin franchi en intelligence artificielle et en robotique, ainsi que toutes les possibilités ouvertes devant nous. Évidemment, ces avancées ne se limitent pas aux jeux. Ces derniers sont plutôt des indicateurs de la capacité de la machine à solutionner des problèmes complexes qui sont en ce moment encore l’apanage de l’intelligence humaine.
On s’attend à ce que les développements de l’intelligence artificielle, des technologies numériques, de la robotique et de l’impression 3D entrainent des bouleversements importants dans l’économie mondiale.
Des experts craignent que le recours croissant aux robots conduise à l’éviction des humains de certaines catégories d’emploi, tel que le travail en usine, comme cela s’observe en Chine. D’autres vont jusqu’à affirmer que les nouvelles technologies vont ébranler des pans entiers du marché du travail tel qu’on le connait aujourd’hui, en remplaçant des emplois qui exigent des capacités intellectuelles avancées. Ils prévoient que des machines seront en mesure de posséder beaucoup plus de «connaissances» qu’un être humain, de traiter très efficacement beaucoup d’information et de prendre des décisions complexes.
Outre un chômage accru, ces modifications de l’emploi peuvent occasionner plusieurs bouleversements socio-économiques et même forcer à revoir le fonctionnement économique de plusieurs pays. On pourrait aussi observer l’accentuation des inégalités sociales. Ces préoccupations étaient d’ailleurs à l’ordre du jour du Forum économique mondial de 2015, à Davos.
Tous ces bouleversements potentiels amènent à se poser plusieurs questions :
Pour certains, le RMG permet de répondre à certains des enjeux au cœur de ces questions.
Selon cet argument, le RMG est aussi une politique sociale accompagnant le développement technologique, pour garantir un filet social en un temps d’insécurité en matière d’emploi. Il vise à faciliter la transition vers une économie où le plein emploi est impossible ainsi qu’à favoriser l’innovation. En effet, selon les défenseurs de cet argument, garantir un revenu minimum encourage l’entrepreneurship en soutenant pendant les débuts difficiles du démarrage d’une entreprise les gens qui sinon n’auraient pas les moyens de se lancer en affaires. Il permet aussi de libérer du temps « rémunéré » pour acquérir une nouvelle formation ou pour se perfectionner. Il permettrait enfin d’atténuer les inégalités économiques dues aux changements majeurs du marché de l’emploi et des sources de revenu. Pour remplir ces promesses, le RMG devrait néanmoins être établi au-delà d’un simple revenu de subsistance.
L’argument est loin d’aller de soi. D’une part, le RMG n’est pas le seul moyen d’arriver à ces fins : un filet social robuste par le biais d’autres programmes peut aussi faire l’affaire. Les défenseurs du RMG répondront cependant qu’il est plus simple et moins coûteux. Dans un contexte extrême de pénurie d’emplois, il serait quand même très coûteux. Ainsi, d’autre part, la question de son financement doit être posée sérieusement. Suffit-il de taxer fortement ceux qui participent à la production économique pour redistribuer ses fruits à l’ensemble de la société? L’État doit-il acquérir des parts importantes des entreprises, de manière à financer ses programmes au moyen des profits obtenus? Dans tous les cas, les mesures impliqueraient de grands changements dans nos structures sociales et économiques.
Il s’agit néanmoins d’une dimension nouvelle, et de plusieurs questions, à ajouter au débat sur le RMG!
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